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ÉVANGÉLINE

Mais comme il arrivait sur son cheval superbe
En suivant le sentier qui serpentait dans l’herbe,
Il vit venir vers lui, marchant avec lenteur,
La vierge souriante et l’auguste Pasteur.
Saisi d’étonnement et transporté d’ivresse,
Il saute de cheval avec grâce et prestesse,
Et court au-devant d’eux en leur ouvrant ses bras.
Les voyageurs, d’abord, ne le connaissent pas ;
Se demandent entre eux quel est cet aimable hôte,
Et sont heureux d’avoir abordé cette côte.
Mais leur incertitude au plaisir a cédé ;
Comme un vase trop plein leur cœur a débordé !
Sous les traits rembrunis de ce vieux pâtre agile
Leurs yeux ont reconnu le forgeron Basile !
Bien doux furent alors les longs embrassements,
Bien doux les gais propos et les épanchements
Des pauvres exilés sur la rive étrangère !
La peine de l’exil, alors, parut légère !


Basile conduisit au milieu du jardin
Ces amis que le ciel lui redonnait soudain.
Et là, parmi les fleurs nouvellement écloses,
Ensemble on s’entretint de mille et mille choses.
On parla du présent, mais surtout du passé :
Et plus d’un long soupir vers le ciel fut poussé !
Et pendant que la bouche essayait de sourire
Dans le regard voilé plus d’un pleurs vint reluire !