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ÉVANGÉLINE

Ou des limpides eaux qui coulent sous les bois,
On entendait des bruits, mystérieuses voix,
Qui s’élevaient du fond de cette solitude,
Et venaient se mêler aux cris d’inquiétude
Des oiseaux effrayés qui prenaient leur essor,
Aux longs rugissements du sombre alligator.


Les rameurs poursuivaient leur course solitaire.
Le matin, quand le jour vint sourire à la terre,
Que d’un éclat nouveau la fleur des champs brilla,
Le lac étincelant d’Atchafalaïa
Déroulait devant eux son onde miroitante
Et leur rendait l’espoir en comblant leur attente.
Dans l’ondulation les légers nénuphars
Balançaient mollement leurs calices blafards ;
Des lotus empourprés les corolles mignonnes,
Sur le front des proscrits se tressaient en couronnes ;
L’air était embaumé des suaves senteurs
Que les magnolias épanchaient de leurs fleurs,
Et que la tiède brise emportait sur son aile.
Suivant le cours des flots la rapide nacelle
Longea bientôt les bords onduleux et pourprés
D’îles aux verts contours, aux luxuriants prés,
Que les oiseaux charmaient de leurs cantates gaies,
Que les rosiers en fleurs cernaient de blondes haies,
Où la mousse et l’ombrage invitaient au sommeil
Le voyageur errant brûlé par le soleil.