Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
ÉVANGÉLINE.
- Et ses yeux, par torrents, répandirent des pleurs
- Alors qu’elle put bien comprendre ses malheurs.
- — «Enterrons sa dépouille au pied de ce grand hêtre, »
- Dit aux captifs émus le vénérable prêtre,
- « Enterrons sa dépouille au bord des vastes mers ;
- Et si nous revenons après de longs hivers
- « Nous pourrons transporter son corps au cimetière
- « Et planter une croix sur sa froide poussière ! »
- Au bord de l’océan par les feux éclairé
- Le vertueux Benoît fut, sans pompe, enterré.
- Nul cierge ne brûla près de ses humbles restes ;
- Nul chant n’alla frapper les portiques célestes ;
- La cloche du hameau ne sonna point de glas ;
- Mais le peuple gémit. La mer avec éclats
- Répondit, à l’instant, à ses plaintes funèbres.
- On aurait dit entendre, au milieu des ténèbres,
- Les versets alternés, graves et solennels
- Des moines à genoux devant les saints autels.
- Or ce fracas de l’onde annonçait la marée.
- Chaque barque du bord aussitôt démarrée,
- Bondit légèrement et glissa sur les flots.
- Les soldats au cœur dur, les sales matelots
- Reprirent, tout joyeux, leur odieuse tâche,
- Et chantant, et sifflant, et ramant sans relâche,
- Ils eurent bientôt mis sur le pont des vaisseaux
- Les colons qui restaient au bord des vastes eaux.
- Des vents impétueux dans les haubans sifflèrent ;
- L’océan reflua ; les voiles se gonflèrent,