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ÉVANGÉLINE

Sur ses cheveux de neige on voyait, tour à tour,
L’ombre de quelque feuille ou les reflets du jour
Passer quand les rameaux se berçaient à la brise.
Son visage riant avec sa barbe grise
Brillait comme un charbon qui s’anime au foyer
Quand le vent prend la cendre et la fait tournoyer.
Il promena l’archet sur les cordes vibrantes :
L’instrument résonna : les danses délirantes
Commencèrent sur l’herbe, à l’abri du verger.
Le gazon s’inclina sous plus d’un pied léger.
Jeunes gens et vieillards s’unirent dans la danse.
Les brillants tourbillons roulèrent en cadence,
Sur l’émail du vert pré, sans trêve, sans repos,
Au milieu des ris francs et des tendres propos.
La plus belle parmi toutes ces jeunes filles,
La plus pure au milieu des vierges si gentilles,
C’était Évangéline ! et le plus beau garçon
C’était bien Gabriel le fils du forgeron !

Le matin passait vite : on était dans l’ivresse !
Mais voici qu’arrivait l’heure de la détresse !
On entendit sonner la cloche dans la tour ;
On entendit le bruit du sonore tambour,
Et l’église aussitôt se remplit tout entière.
Tremblant pour leurs époux, au fond du cimetière
Les femmes du village, en foule et tristement,
Attendirent la fin de cet événement.
Elles se cramponnaient aux angles de la pierre,
Aux saules qui des morts protégaient la poussière