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ÉVANGÉLINE

Un clerc vint allumer les cierges de l’autel ;
Et le Père Félix, sur un ton solennel,
Commença la prière ; et, d’une voix plaintive,
Mais avec un cœur plein d’une piété vive,
Le peuple infortuné pendant longtemps pria.
Prosternés à genoux, de L'Ave Maria
Tous ces pieux chrétiens à haute voix chantèrent
Les mots consolateurs, qui de nouveau montèrent,
Sur l’aile de l’amour, vers le trône de Dieu,
Comme autrefois Eli sur un char tout de feu.


Cependant du village un grand trouble s’empare,
Car on sait des anglais la conduite barbare ;
Et les yeux tout en pleurs, tremblants, épouvantés.
Les femmes, les enfants courent de tous côtés.
Longtemps Evangéline attendit son vieux père,
A la porte, debout, sous l’auvent solitaire,
Tenant sa main ouverte au-dessus de ses yeux
Afin d’intercepter les reflets radieux
Du soleil qui versait des torrents de lumière
Dans les chemins du bourg et sur l’humble chaumière
Dont il couvrait le toit d’un brillant chaume d’or ;
Du soleil qui semblait vouloir jeter encor
Un long regard d’amour sur cette noble terre
Que venait d’enchaîner l’égoïste Angleterre.
Sur la table était mise une nappe de lin :
Déjà pour le souper étaient servis le pain,
Un flacon de vieux cidre et le nouveau fromage
Et le miel odorant comme la fleur sauvage :