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ÉVANGÉLINE

Le vieux fermier tira sa bourse de chamois
Puis offrit au notaire au moins deux ou trois fois
En bel et bon argent le prix de son ouvrage.
Le notaire charmé, forma, selon l’usage,
Des vœux pour le bonheur du couple fiancé :
Puis il prit sur la table après s’être avancé.
Le large pot d’étain où fermentait la bière,
Remplit, d’un air joyeux, la coupe tout entière,
Et but à la santé des gens de la maison.
Chacun prit à son tour l’écumeuse boisson.
Du cidre sur sa lèvre il essuya l’écume ;
Il prit son large feutre ; il prit sa longue plume,
Son rouleau de papier et donna le bonsoir.
Les amis qui restaient vinrent alors s’asseoir
En cercle devant l’âtre où pétillaient les flammes.
Évangéline prit le damier et les dames
Qu’elle alla présenter aux paisibles vieillards.
La lutte commença. Leurs anxieux regards
Voyaient avec plaisir les pions dresser un siège,
Et les dames tomber dans un perfide piège.
Cependant l’un et l’autre ils s’amusaient beaucoup
D’une manœuvre heureuse ou d’un malheureux coup.
Les fiancés assis dans la fenêtre ouverte
Écoutaient sur la rive expirer l’onde verte.
Heureux et souriants ils se parlaient d’amour,
En regardant les flots qui chantaient tour à tour,
Et les rubans de feu sur l’écume des vagues ;
La lune qui veillait, et les bruines vagues
Qui traînaient mollement leurs robes sur les prés ;
Et les étoiles d’or dans les cieux empourprés.