Page:LeMay - Essais poétiques, 1865.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
ÉVANGÉLINE

Chacun fumait, causait, riait de toute part.
Les groupes arrivés aux groupes en retard
Criaient mille bons mots, mille plaisanteries.
Les maisons ressemblaient à des hôtelleries.
Assis devant les seuils sur de vieux bancs de bois,
Se chauffant au soleil, les simples villageois
Discouraient du danger qui menaçait leur tête.
La maison de Benoît avait un air de fête.
Là plus vive qu’ailleurs on trouvait la gaîté,
Et plus charmante aussi l’humble hospitalité :
Evangéline était au milieu des convives ;
Et son regard modeste et ses grâces naïves
Avaient, ce matin-là, pour eux bien plus d’attrait
Que le verre enivrant que sa main leur offrait.


On fit dans le verger les chastes fiançailles.
Le soleil était chaud comme au temps des semailles :
De l’odeur des fruits mûrs l’air était parfumé ;
Le ciel brillait d’un feu tout inaccoutumé.
Le prêtre fut conduit à l’ombre du feuillage
Avec le vieux Leblanc notaire du village.
Du bonheur des amants s’entretenant tous deux
Basile et le fermier étaient assis près d’eux.
Et contre le pressoir et les ruches d’abeilles,
Avec les jeunes gens aux figures vermeilles
Etait le vieux Michel joueur de violon,
Charmant diseur de riens, beau chanteur de chanson,
Qui tenait bien l’archet et battait la mesure
En frappant du talon le tapis de verdure.