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ÉVANGÉLINE

Ainsi passait le soir dans la joie et l’ivresse,
Et le temps paraissait redoubler de vitesse.
Tout à coup l’on ouït, dans le beffroi voisin,
La cloche qui vibrait sous le marteau d’airain.
On entendit neuf coups ; elle sonnait neuf heures ;
C’était le couvre-feu de toutes les demeures.
Basile et son ami se serrèrent la main
Et se dirent adieu pour jusqu’au lendemain.
Bien des mots de douceur, bien de tendres paroles,
Paroles d’amitié charmantes et frivoles,
S’échangèrent tout bas entre les deux amants,
Et de leurs cœurs émus calmèrent les tourments.


Nul bruit dans la maison ne se fit plus entendre :
Les charbons du foyer furent mis sous la cendre.
Après quelques instants le vieux et bon fermier
Fit du bruit de ses pas retentir l’escalier.
Tenant dans sa main blanche une lampe de verre
Sa fille le suivit gracieuse et légère
Ainsi qu’une gazelle aux lisières des bois.
Une douce lueur éclaira les parois
Quand la vierge monta les degrés de la rampe ;
Ce n’était point alors sa radieuse lampe,
Mais son regard serein qui versait la clarté.
Elle entra dans sa chambre. Un châssis, d’un côté,
Y laissait du soleil pénétrer la lumière.
Une chaise et le lit de la jeune fermière,
Une table, une image, une croix seulement,
Voilà ce qu’on voyait dans cet appartement.