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ÉVANGÉLINE

Quand on la porte au cou dans l’écale des noix ;
Comme au jour de Noël l’on entendait les voix
Des bœufs qui se parlaient au fond de leurs étables ;
Il disait les secrets, les vertus admirables
Que le peuple, autrefois, simple autant que loyal,
Prétendait découvrir dans le fer à cheval
Et le trèfle étalant quatre feuilles de neige,
Et biens d’autres récits d’ogre et de sortilège.


Aussitôt cependant que Leblanc arriva,
De son siège au foyer Basile se leva
Et, secouant le feu de sa pipe de terre,
Il dit en s’adressant au modeste notaire :
« Allons, père Leblanc, qu’avez-vous de nouveau ?
« Peut-être savez-vous ce qu’on dit au hameau
« De ces fiers bâtiments venus de l’Angleterre ? »
— « Je sais fort peu de chose et fais mieux de me taire,
Lui répondit Leblanc d’un ton de bonne humeur :
« Il est vrai qu’il circule une grande rumeur,
« Mais comme mon avis n’est jamais le plus sage
« Je dirai seulement ce qu’on dit au village,
« Je ne puis toutefois croire que ces vaisseaux
« Viennent sur notre rive apporter des fléaux ;
« Car nous sommes en paix ; et pourquoi l’Angleterre
« Ainsi nous ferait-elle éprouver sa colère ? »
— « Nom de Dieu ! » s’écria le bouillant forgeron,
Qui parfois décochait un sonore juron,
« Faut-il donc regarder toujours en toute chose,
« Le pourquoi, le comment ? Il n’est rien que l’on n’ose !