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ÉVANGÉLINE

Comme si quelque fée au pouvoir merveilleux
Avait cruellement étalé sous leurs yeux
Ces mirages menteurs, cette ombre enchanteresse,
Qu’on croît toujours saisir, qui s’éloignent sans cesse.


Un soir, comme ils étaient tous dans leur campement.
Assis autour du feu, parlant tranquillement ;
Ils virent arriver une femme sauvage :
Le chagrin se peignait sur son pâle visage ;
Mais on voyait briller, dans son œil abattu,
Une force étonnante, une grande vertu,
C’était une Shawnée. Elle allait aux montagnes
Rejoindre ses parents et ses jeunes compagnes
Qu’elle avait dû quitter pour suivre son époux
À la chasse aux castors, aux ours, aux caribous,
Jusqu’aux lieux où l’hiver étend son aile blanche,
Mais elle avait vu, là, le féroce Camanche,
Enivré de fureur, du tomahawk armé,
Massacrer, sous ses yeux, son mari bien-aimé,
Un fier Visage-Pâle, un Canadien paisible.
Aucun des voyageurs ne parut insensible
Au récit de la femme, à son affliction ;
Ils lui dirent des mots de consolation,
Et la firent asseoir à leur table modeste
Quand la braise eut doré le chevreuil gras et leste.