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SANG ET OR


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À la tombée de la nuit, Babylas et sa femme venaient s’asseoir au coin du foyer et regardaient mélancoliquement les félines ondulations de la flamme qui dévorait des sarments résineux, et ils semblaient se complaire dans la morne solitude de leur demeure. Ils conversaient par monosyllabes, soit paresse de l’esprit soit caprice de la voix. Ils se devinaient ou ils se dédaignaient.

Lui, il fumait à longues bouffées un tabac mordant ; elle, le menton penché sur sa grosse poitrine, elle faisait jouer les aiguilles de son tricot. Puis, dans leur égoïsme, ils enveloppaient l’âtre d’un regard jaloux, et lui tendaient plaisamment leurs membres un peu frileux.

Il y avait de la tristesse au fond de leur âme. Il y avait aussi de l’envie, car ils étaient chagrins de la félicité des autres, ne disaient du bien de personne, et ne songeaient à aucune œuvre de charité.