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SANG ET OR

— Ne m’oublie pas, dit-elle, et reviens bientôt.

— Va et fais de l’argent, recommanda le père. L’argent est un levier formidable, qui peut soulever toutes les volontés, une huile magique qui adoucit tous les rouages, un argument irréfutable, un voile qui cache les défauts, un verre qui grossit les vertus. Pauvre, tu n’es rien ; bien pauvre, tu deviens méprisable ; très pauvre, tu n’es qu’un sot. Riche, tu mérites la considération et le respect ; bien riche, tu as l’esprit et le talent que tu veux payer ; très riche, tu possèdes tout le génie qu’une tête humaine peut emmagasiner… et rien n’empêche que tu renifles l’encens de la flatterie, jusqu’à pâmoison.

Toutes les plumes sottes ou affamées t’offriront leurs pointes serviles, et tous les rimeurs en mal d’enfant chanteront ta gloire. Et plus tu verseras l’aumône à la réclame et plus la réclame ajoutera de fleurons à ta couronne… Va !

Il était déjà loin sur la route qui mène partout.