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LE HIBOU

Elle doit y être encore, car après tout je n’ai pas rêvé ça.

Elle était abandonnée depuis longtemps. Quelquefois, lorsque nous allions à la pêche au crapet ou à la perchaude, dans la Grande Rivière du Chêne, avant de descendre la côte sablonneuse, nous nous y arrêtions. Nous poussions les ais vermoulus de la porte et nous pénétrions dans les pièces basses et humides. La cuisine paraissait désolée avec son âtre béant et sa crémaillère noircie par la fumée. Des hiboux taciturnes semblaient se complaire sur les pierres effritées de la cheminée. Célestin, qui est adroit au tir, en a tué plusieurs. Moi, je n’ai jamais de ma vie fait jouer la gâchette d’un fusil. J’ai peur du bruit.

Les bonnes gens du village disaient que c’était toujours le même hibou qui tombait sous le plomb de Célestin ; et je me rappelle l’exclamation soudaine et le geste comique de la mère Fanfan, un soir qu’elle nous rencontra portant triomphalement