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LE BAISER FATAL

l’épouvante fatale qui avait ébranlé la raison de cette infortunée lui apparaissait comme une chose monstrueuse ; et il était tenté d’accuser la justice de Dieu. Jamais encore il n’avait compris l’inéluctable malheur. L’aimait-il plus, cette femme, qu’il ne l’avait aimée autrefois ? Oh ! non, se disait-il ; mais il avait vieilli, son intelligence s’était développée, il voyait de plus loin, il jugeait mieux.

Le nuage montait et projetait des traînées d’ombre sur la limpidité de sa conscience.

Sa femme vit bien, à la fin, qu’il souffrait et que sa tendresse se refroidissait. Elle n’essaya point de le consoler. Elle ne pensait pas qu’il pouvait se détacher d’elle. Elle avait ses enfants. Et puis, une femme de ménage n’a guère le temps de s’occuper des hommes, même de son homme. C’est elle qui faisait cette réflexion. Il ne lui venait pas à la pensée que l’amour vit plus longtemps de rêves et de souvenirs, de regrets et d’espoirs, que de passagères satisfactions ; et cet instinct