Page:LeMay - Contes vrais, 1907.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
MAISON HANTÉE

J’ai changé de lieu, et partout j’ai laissé des amis qui m’ont oublié. J’ai changé de foyer, et nulle part je n’ai trouvé cette orgueilleuse satisfaction que l’on éprouve, en regardant flamber des bûches qui ne doivent rien au bûcheron, en entendant mitonner dans la vieille marmite de famille, un potage acquitté.

C’est compris, je n’ai pas eu de chance. Est-ce bien ma faute ? D’abord, il y a le tempérament qui nous fait tourner comme le vent fait tourner une girouette, avec cette différence que l’on rit et que la girouette grince. Puis, ce sont les circonstances qui nous entortillent comme les araignées entortillent les mouches, dans leurs toiles ténues et collantes ; puis les chemins qui se bifurquent ! et les montées raides ! et les descentes vertigineuses !… Tenez ! la vie est un jeu de hasard ; elle devrait être défendue.

Mais j’ai appris à souffrir. Je ne dis pas cela pour me vanter. Il n’y a que ceux qui ont eu peur de la souffrance qui se vantent d’avoir souffert. Or, savoir