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UN RÊVE

un livre tout parfumé semblait dormir, et l’or de ses feuilles rayonnait comme un nimbe.

— Ce fut une lyre vivante, observa mon guide, une lyre presque divine. Nul n’aima, ne jouit, ne souffrit autant que ce poète. Il semble avoir divinisé dès cette vie la poussière dont tout homme est pétri.

J’avais deviné Lamartine.

— Et, près de lui, continua mon vénérable compagnon, sous ces feuillets innombrables qui frémissent et font jaillir des gerbes d’étincelles dans la nuit qu’ils crèvent, il est un génie littéraire incomparable, mais un génie fait de lumière et d’ombre. Sa parole sonne comme un clairon, mais quelquefois elle sonne faux ; son invective frappe comme un marteau de forge ; ses idées éclosent comme la foudre. Il aurait voulu refondre le monde entier dans son creuset de diamant. Vivant, il a vu son apothéose ; mort, il est entré dans l’éternité comme le plus