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PATRIOTISME

Le père Dubien reprit :

— Si tu es fatigué de vivre, mon garçon, tu n’as qu’à te rendre à la rivière Chambly ; il y a là une bande de fous qui se proposent de servir de chair à canon ; tu pourras te faufiler dans leurs rangs.

— Des fous comme ceux-là, il faut qu’il y en ait pour effrayer les tyrans.

— Toujours des grands mots : tyrans… bureaucrates… martyrs.

— Oui, M. Dubien, martyrs !… l’amour de la patrie vient immédiatement après l’amour de Dieu, et les martyrs de la politique ne sont guère au-dessous des martyrs de la religion.

Dubien éclata de rire.

Des voisins entrèrent. Ils venaient faire la partie de quatre-sept. Ils jouaient hommes contre femmes. La dernière fois, le sexe fort avait été d’une faiblesse désespérante, et il ne s’était pas sauvé du déshonneur. Il avait une revanche à prendre. Les jeunes amoureux voyaient avec plaisir la lutte ardente des joueurs.