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PATRIOTISME

courte, mais enfin qui n’était pas sans offrir quelqu’intérêt. Voulez-vous l’entendre ? La voici.

* * *

Il y a longtemps de cela.

Le monde a marché depuis, et, s’il n’est pas meilleur, c’est que le progrès n’implique pas la vertu, c’est que le cœur et l’intelligence ne vont pas toujours de pair.

Il n’est pas étonnant qu’il en soit ainsi puisque l’homme est libre. Il est libre, mais avec un fort penchant à l’esclavage. Pas à l’esclavage politique, peut-être. Il pousse, de temps en temps, un cri de révolte contre ses oppresseurs, et, de temps en temps aussi, il les broie sous son talon. Mais il aime les jougs qu’il se façonne lui-même. Un gueux gémit, dans sa paresse, sous les tortures de l’envie ; un avare se dessèche d’amour et de terreur devant son or entassé ; un ambitieux rampe devant la foule qu’il méprise ; un libertin se traîne aux genoux de toutes les belles impures.