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LA CROIX DE SANG

ailleurs entendus, perçaient l’obscurité des nuits ; des chants étranges s’élevaient et mouraient, les matins et les soirs. C’était, souvent aussi, le silence saisissant de la nature sauvage dormant en sa quiétude séculaire, avec, de temps en temps, les soupirs ou les plaintes, les chants ou les sanglots de la vie qui cherche le réveil.

Un matin, le matin du 20 mai 1656, plusieurs canots d’écorce abordaient, avant l’heure du lever, à la grève tranquille de l’île d’Orléans. Un calme profond régnait sur la bourgade huronne, dont les wigwams se serraient pieusement autour d’une petite chapelle de bois.

Des arbres avaient été abattus, et cela formait çà et là de larges blancheurs dans l’ombre de la forêt. Le sol était fouillé, et déjà, à travers les souches noircies qui semblaient des fauves aux aguets, le froment avait bercé ses épis barbelés, et le maïs ses longues tiges aux aigrettes pompeuses. La civilisation plantait ses premiers jalons sur l’une des plus belles îles