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LA CROIX DE SANG

l’endroit où elle se jette dans le fleuve, je m’arrêtais un moment devant ce signe sacré, et je me demandais s’il n’y avait pas là quelque douloureux mystère.

Les vieux disaient :

— Nous l’avons vue au temps où nous étions jeunes. Elle ne s’est pas effacée. La pluie ne l’a jamais lavée, le soleil ne l’a jamais brûlée. Elle est la même toujours. Le père Bouchette m’affirma qu’elle était là, rouge sur cette roche grise, quand on ouvrit le chemin. C’est le chemin qui s’est approché d’elle.

Cependant la José-Baptiste, qui feint de tout savoir et n’a pas la langue dans sa poche, me conta plus tard que c’était Modeste Mailhot qui avait fait cette croix. Vous savez, le gros Modeste dont la canne ressemblait à une crosse d’évêque, et les souliers à des raquettes de peau d’orignal ?

J’ai vu la canne formidable et les larges souliers. Le curé de ma paroisse, M. Faucher, l’oncle de M. Faucher de Saint-Maurice, gardait ces singulières reliques.