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LE RÉVEILLON

feu, qui roulait dans le ciel frissonnant de décembre, et me conduisait au vagissant berceau de l’Enfant-Dieu.

— Viens prendre ta place à la table, Gaspard, et Mélanie va te verser une tasse de bon thé noir, dit alors, d’un accent ému, le père LeMage.

Les deux vieillards étaient frères ; ils se ressemblaient beaucoup et s’aimaient davantage. Leur vie s’était écoulée au même foyer, et dans la même paix des champs. Le travail avait été leur joie et l’honnêteté, leur apanage. Gaspard, celui qui venait d’entrer, n’avait pas aimé les femmes, parce que la vie était trop courte, disait-il, pour montrer toutes les grandeurs de l’amour, ou en réparer tous les désastres. Et puis, il avait attendu qu’une étoile le guidât vers le nid mystérieux où gazouillait, dans une espérance encore embrumée, l’enfant que lui réservait la destinée. Il avait attendu en vain. Il ignorait combien sont nombreux les hommes qui maudissent leur étoile.