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LE RÉVEILLON

lection Ne craignez rien, je ne vous raconterai pas ma triste campagne d’alors, et vous ne saurez même pas si j’étais bretteur politique ou candidat sérieux, simple machine à parler, ou éducateur convaincu des libres et indépendants électeurs.

Cependant la fête agreste battait son plein lorsque je fis mon entrée. Encore un peu, et je réveillonnais par cœur.

Fatigué d’une longue route en traîneau, sur des chemins coupés et cahoteux ; engourdi par une véritable immobilité de colis, dans le poil caressant d’une peau de buffle authentique ; assoiffé par l’air vif, et ennuyé des propos d’élection qui me trottaient dans la cervelle, ou me sonnaient dans les oreilles, je m’étais jeté sur le grand canapé de l’auberge, tout près d’un poêle bourdonnant, et le sommeil m’avait couvert de ses traîtres mais délicieux pavots, comme d’un suaire de plomb.

Des voisins, des parents, des amis entouraient la table nouvelle, solidement