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LE COUP DE FOURCHE

tendait déjà le roulement des charrettes qui venaient de partout. Le foin, engrangé dans ces conditions heureuses, serait un vrai régal pour les chevaux qui henniraient de plaisir, et pour les bœufs qui le secoueraient drôlement du bout de leurs cornes.

Jacques chargeait les voitures avec sa grande fourche d’acier. La sueur coulait sur son front, et sa chemise de toile, entrouverte, laissait voir sa poitrine haletante. Il était content et ne jurait pas, excepté quand le cheval faisait un pas de trop, ou s’arrêtait trop tôt. Tout en soulevant une pesante « fourchée, » il jeta les yeux sur le ciel, au couchant, et il vit une large tache noire au-dessus des montagnes.

— Diable ! fit-il, est-ce un orage qui se forme là-bas ?… Par exemple ! S’il faut que ce bon foin-là reçoive de la pluie !… Vite, les gars !

Et le charriot, bientôt rempli, se mit en route pour le fenil. Jacques s’appuya sur sa fourche, et regarda venir l’orage avec