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LE COUP DE FOURCHE

mains, mais elle demeura immobile dans son trou rempli de cailloux gris. Il prit une perche et frappa le bras pendant, pour le casser et le faire tomber. Ce ne serait toujours plus une croix. Le bras résista ferme, et c’était comme un bras suppliant qui le conjurait de s’arrêter en son criminel dessein. Il alla chercher une hache. Quelques coups de l’acier tranchant sur les angles émoussés ; de petits éclats vermoulus qui volèrent sur la terre sans verdure ; un son étrange qui fit vibrer tout l’arbre et se répéta comme un blasphème, et la croix, vieille et profanée, tomba lourdement sur la petite clôture qu’elle écrasa d’abord, puis sur la prairie où elle se brisa.

Les habitants du village se réunirent, à quelque temps de là, et résolurent d’élever un calvaire. Ce serait comme une expiation. La souscription alla bien, et l’œuvre fut confiée à un habile sculpteur. Il fit un Christ mourant. Des rayons célestes semblaient sortir du bois transformé. Une douleur immense mais résignée était