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LE COUP DE FOURCHE

distance en distance, le long des chemins. Ces croix hautes, noires dans le ciel clair, étendent leurs bras sacrés sur les maisons et les champs. On les aperçoit de loin, et toujours une pensée grave et salutaire se réveille en notre esprit. On se découvre en passant devant elles, et sur nos fronts alors descend une nouvelle bénédiction.

Il y avait une de ces croix sur la terre de Jacques Ledur, à une petite distance de sa maison. Elle était là depuis longtemps, et les anciens étaient bien des fois venus s’agenouiller sur le sol nu, dans la petite enceinte qui l’entourait. Maintenant elle s’affaissait comme toute chose bien vieille, et chaque souffle violent qui passait la faisait pencher tristement. Les étais devenaient inutiles, le pied avait pourri dans la terre, et l’un des bras pendait comme appesanti par une longue fatigue.

Quand Jacques revint de l’église, après l’élection du marguillier choisi par le curé, il la renversa tout à fait. Il essaya d’abord en la poussant avec ses deux