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LE COUP DE FOURCHE


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Jacques Ledur était né colère. Sa première dent avait mordu le sein maternel, et depuis cette époque déjà lointaine, il avait laissé la trace de bien des morsures dans la réputation de son prochain. À l’école, il avait battu ses camarades pour une faute d’orthographe de moins, ou pour une bonne note de plus. Jeune homme, il avait aimé avec jalousie, boudant sa « blonde » si elle osait sourire à un rival, ou lever sur quelqu’un un regard bienveillant. Adulte, il se mêla d’avoir de l’ambition, voulut être au premier rang parmi les siens, et, comme on dit vulgairement, faire la loi à tout le monde. Ce qui l’aigrit surtout, ce fut de se voir refuser la main de Madeleine Groslot. C’est le père qui fit des embarras. Il ne voulait pas d’un gendre bourru pour sa douce Madeleine. En effet, Madeleine était une douce créature, une créature aimante comme toutes les