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PETITE SCÈNE


III


Mademoiselle Emmélie Laforêt venait de sortir de sa chambre toute blanche, où elle avait prié pendant que le canon tonnait et que les flammes dévoraient le couvent et l’église. Ses longs cheveux blonds tombaient en désordre sur ses épaules voilées d’un fichu de soie noire, et, dans les cils d’or de ses grands yeux bleus il y avait encore des pleurs. Elle s’approcha d’une fenêtre. Alors elle vit des tourbillons d’étincelles monter dans l’air glacial, et des tisons enflammés retomber avec bruit sur le sol blanc de neige. Des hommes couraient çà et là comme des fauves pris de terreur. La porte s’ouvrit brusquement, et un de ces fugitifs se précipita dans la maison.

— Cachez-moi, pria-t-il, d’une voix altérée ! cachez-moi ! S’ils me prennent, ils vont me tuer.

Et il cherchait à pénétrer plus loin.

— C’est ma chambre, fit la jeune fille, émue et surprise.