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LE SPECTRE DE BABYLAS

Elle n’était plus jeune, et ses cheveux grisonnaient, frisottés avec une certaine coquetterie sur son front hâlé. Elle n’avait pas de rides, mais une joue fraîche encore, des dents blanches et fermes dans leurs alvéoles, et des yeux d’un bleu pâle, où l’éclair de l’intelligence ne s’allumait plus qu’à de rares intervalles.

Elle n’était pas laide ainsi, avec son épaule tombante et sa poitrine en liberté sous les plis d’un mantelet.

Pauvre Henriette Lépire !

Il y avait longtemps qu’elle traînait, au milieu des siens, une existence lamentable. Elle était douce et complaisante. Elle savait encore travailler au métier et filer la laine ; mais elle paraissait oublier tout à coup de faire glisser la navette entre les brins croisés de la chaîne, ou de peser du pied sur la pédale du rouet, pour faire tourner le fuseau. Elle éprouvait des joies enfantines qui finissaient souvent dans les pleurs. Elle voyait, dans un monde idéal, des choses qui la transportaient de plaisir ou d’horreur ; elle