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MARIETTE

entrer deux hommes. Elle ne les reconnut pas d’abord, à cause des grandes capotes qui les enveloppaient, et des collets de fourrure qui leur montaient jusqu’aux yeux. Elle tressaillit cependant, et s’avança au devant d’eux.

* * *

Trois ans auparavant, un soir de la fenaison, Mariette, la jeune malade d’aujourd’hui, revenait au fenil sur un charriot de foin. Enfoncée dans le trèfle et le mil comme dans un nid, elle se laissait bercer au cahotage des roues, et chantait, de sa voix douce et quelque peu plaintive, une chansonnette gracieuse dans sa forme et sage dans son enseignement :

La fleur de la charmille,
La fleur de la famille,
Ont un destin commun,
Lorsque les mains les cueillent,
L’une et l’autre s’effeuillent
Et perdent leur parfum…

Petite rose blanche,
Reste donc à la branche
Dont la sève nourrit,
Petite fille chère,
Reste donc à ta mère
Dont l’amour te sourit.