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LA DERNIÈRE NUIT

se joindre comme dans la prière. Alors, poussé par une inspiration soudaine, je lui mis au cou mon scapulaire de Marie-Immaculée et ma croix de tertiaire, puis lentement je m’agenouillai en priant avec toute l’ardeur dont est susceptible l’âme inconstante d’un rêveur inquiet. De temps en temps je me penchais sur le lit funèbre, le visage caché dans mes mains, et mon imagination vagabonde m’emportait aussitôt en d’étranges régions, je ne sais où. Je m’éveillais comme d’un songe, et je regardais le vieillard que rien ne paraissait troubler. J’espérais, cependant, car l’espérance et la foi sont ancrées sûrement dans mon âme.

J’étais là, à genoux, la tête enfouie dans un coussin, endormi depuis assez longtemps peut-être, quand tout-à-coup une voix sombre et tremblante s’écria :

— Il y a du sang sur ce crucifix !

C’était la voix du moribond. Je me lève. Ses yeux ouverts sinistrement regardaient un point fixe sur la cloison d’en