Page:LeMay - Contes vrais, 1907.djvu/232

Cette page a été validée par deux contributeurs.
216
LA DERNIÈRE NUIT

Donc, Jean-Baptiste Rasoy se mourait, et j’étais installé pour la nuit auprès de sa couche enfiévrée. Pas inutilement, vous allez voir. Mais auparavant il faut que je vous parle de Séraphine Langette. Vous savez, Séraphine cette orpheline gentille qui a été recueillie par Louison Hardy, du troisième rang ? Un beau brin de fille. Chez nous, il y en a beaucoup, et c’est avec ces brins-là que nous tissons nos chastes et fortes générations.

Séraphine avait passé dans les pleurs la nuit que j’avais passée dans la morne compagnie du malade. Cela arrive souvent que de douces et pures jeunes filles versent en secret des larmes abondantes. Leur sensibilité exquise les prédispose à la souffrance comme à la joie ; l’indifférence qui les entoure quelquefois ne détourne point d’elles les traits grossiers qui les blessent ; elles sont moins que les autres à l’abri des brutales affections. Elles versent l’arôme de leurs vertus sur les ailes du vent qui les caresse et s’enfuit.