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LA DERNIÈRE NUIT

cela par dérision, car on n’avait jamais connu d’ailes au bonhomme. Il s’était complu au terre à terre. Il ne prêta jamais rien sur les promesses de la Foi, et la Charité ne lui parut point un bon placement.

Vers le soir je me rendis auprès de lui. Je ne suis pas un médecin, mais dans l’occasion, je porte, comme tout le monde, quelques petits secours aux pauvres moribonds. Je vis qu’il baissait, et je m’installai pour la nuit à son chevet. D’abord, il fallait de temps en temps lui mouiller les lèvres avec de l’eau et du vinaigre, pour rafraîchir l’haleine brûlante. Il avait une cuillerée de je ne sais quoi à prendre d’heure en heure, si la chose était possible. Il était urgent de guetter les moments de lucidité et les retours de la vigueur, pour lui murmurer une parole de religion et recevoir une confidence, s’il en avait à faire. Jusque là il s’était renfermé dans un mutisme absolu. Il s’était un peu habitué à la maladie et il n’en redoutait