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BAPTÊME DE SANG

fers aux mains, et me poussèrent, impuissant et désarmé, devant eux, à travers les grands arbres impassibles. Ils riaient et les oiseaux chantaient.

De nouveau, le bon vieillard fit silence, et l’on eût dit que son regard fauve se perdait dans ce lointain douloureux qu’il venait d’évoquer.

On savait qu’il avait été exilé aux Bermudes, avec sept de ses compagnons, pendant que plus de cinquante autres patriotes étaient entassés dans l’entrepont des voiliers, et transportés par delà l’équateur, aux antipodes, dans la terre encore inconnue de l’Australie…

Mais la liberté germe vite dans le sang des martyrs, et les grandes douleurs touchent le ciel. Une ère nouvelle commença. Les lois qui avaient été imaginées pour nous perdre devinrent notre bouclier, grâce au dévouement et à l’habileté de nos hommes d’état, et après quelques années, les pauvres exilés purent revoir leur beau Saint-Laurent, leurs campagnes paisibles,