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BAPTÊME DE SANG

feuilles inaccoutumé. Je me levai, regardant fiévreusement vers l’orée du bois, car c’était de là que venait le bruit. Je reconnus le froissement des branches sèches, des mousses et des fougères par des pieds pesants. Je crus bien que ma cachette était découverte et j’éprouvai un amer découragement. L’hiver approchait, je ne pouvais pas m’enfoncer loin dans la forêt. Il faudrait sortir de temps en temps, pour trouver des aliments et me tenir au courant des choses politiques. Je savais que la justice — comme ils disaient — avait mis aux fers plusieurs des nôtres, et je me sentais de plus en plus triste dans ma solitude. Je crois que j’avais même des remords, mes enfants ! et je sentais le besoin de partager les souffrances de mes compatriotes.

Le silence se fit tout à coup, et je n’entendis plus que le chant des oiseaux et la chute des feuilles. Je me dis que j’avais eu peur de quelque renard fripon, ou, peut-être, d’un ours grognard, allant à la