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BAPTÊME DE SANG

Le vieillard, ému, resta silencieux pendant quelques instants, puis il reprit :

Je me tenais caché, depuis quelques jours, à une petite distance du village, dans un bois épais. À part ma famille, un ami, un seul, connaissait ma retraite ; c’était le brave qui avait décroché la carabine de son père pour tuer les despotes.

Tomber sur un champ de bataille, dans l’ardeur du combat, enivré de haine ou d’amour, c’est bien. Être fait prisonnier après une lutte sans merci, blessé, épuisé, c’est encore bien. Mais se faire pincer comme un serin, quand l’épée est au fourreau et la fumée des canons disparue, c’est absurde, mes enfants !… et je voulais garder ma liberté.

Un jour, je faisais ma prière du matin, à genoux sur un tronc renversé, dans un rayon de soleil qui glissait à travers les rameaux, — car les rebelles priaient comme les autres, et mieux peut-être que les lâches pour qui tous les jougs sont faits, — j’entendis un bruissement de