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BAPTÊME DE SANG

fants ! et les noms des braves apparaissent de plus en plus brillants, à mesure qu’ils se dégagent des brumes du passé.

Je fus un des premiers à décrocher le fusil. J’étais pris d’un singulier besoin de faire le coup de feu, et pourtant je n’étais pas méchant. Une force invincible me poussait, et je ne pouvais pas croire qu’il n’est jamais permis au peuple d’affirmer son autorité et de revendiquer ses droits au prix du sang. S’il en était ainsi, mes enfants ! comment l’Église pourrait-elle accepter le fait accompli, et s’en faire ensuite hautement la protectrice ? Le mal est toujours le mal, et la prescription n’existe que pour le tribunal du siècle, pas pour la conscience de l’homme.

Plusieurs jeunes gens imitèrent mon exemple ; un de mes amis entre autres, qui avait trompé la surveillance de son père pour lui dérober une arme vaillante. Ce père de mon ami était un peu bureaucrate et n’aimait point Papineau. Moi, je marchais des lieues pour aller l’entendre,