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LE BŒUF DE MARGUERITE

l’enfance dans une voie fatale, capable de lutter pour un morceau de pain, mais sans force pour les combats de l’esprit, et sans humilité dans les choses de la foi.

Et sa pensée glissa tout naturellement de la femme étrange au docile animal qui était devenu son fidèle compagnon. Le bœuf renommé devait être, selon sa coutume, au pacage, le long de la route. C’était dommage que ses cornes ne fussent pas allumées, pour chasser un peu les ténèbres et montrer les ornières.

Il arrivait au ruisseau. Les pieds du cheval et les roues de la calèche firent résonner les pièces de cèdre du petit pont. Aussitôt, de la lisière du bois, un peu en arrière, un beuglement répondit. Bélanger ne put se défendre d’une certaine souleur.

— Maudite bête ! cria-t-il, pour se donner de la contenance.

Un instant après, le taureau de Marguerite s’élança sur la route, les cornes surmontées d’un panache de flammes. Bé-