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LE BŒUF DE MARGUERITE

— Bah ! remarqua mon oncle, Marguerite est moins dangereuse qu’elle ne voudrait l’être. On ne s’improvise pas sorcier. C’est un métier difficile et le diable choisit ses élus. N’est pas sorcier qui veut… Ce n’est pas elle qui a mis un vêtement de flamme à son taureau… Cette lueur soudaine que vous venez de voir, n’est ni rare ni extraordinaire. C’est un météore, disent les savants. Moi, je crois que c’est un flambeau que le ciel allume pour éclairer notre fête… Amusons-nous donc ! Dansez, jeunes gens ! Vieillards, chantez !

Et il entonna d’une voix abominablement fausse :

Pour ma Clara j’ai d’la constance ;
Je bois sec et je fais l’amour.
Demain, je ferai pénitence ;
Ainsi chaque chose à son tour.

Les uns firent chorus en se versant à boire, les autres, en lutinant leurs voisines. Peu à peu, le mardi gras reprit ses droits ; la pensée de la sorcière se fondit comme un nuage en un brumeux lointain,