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LE BŒUF DE MARGUERITE

Poudrier, une bonne vieille qui ne se laissait pas désemparer du premier coup.

Mon oncle Placide s’était précipité dans la porte en criant :

— Le taureau de Marguerite est possédé !

Le vaillant animal paraissait enveloppé d’un nimbe de feu, et son poil roux sombre se détachait singulièrement sur un fond de vive lumière. Il semblait, aux hôtes épouvantés de Jonas, un holocauste sur un bûcher. Il ne brûlait pas cependant. Il n’y avait pas de flamme, excepté sur les cornes. La neige prenait une teinte de sang, et les reflets de l’étrange foyer se fondaient avec les étoiles dans le ciel limpide.

Chose horrible, l’animal ensorcelé se prit à danser sur la glace rouge que le vent balayait, et ses pieds de corne imitaient, par leur cadence, le rythme rapide des danseurs dans la maison en fête ; et sa longue tête muselée secouait les boucles de fer de la vieille bride, comme des castagnettes infernales.