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LE BŒUF DE MARGUERITE

Et le carême arrivait. Les petits enfants s’imaginaient apercevoir sa face blême dans les vitres fleuries de givre. C’était le souper du mardi gras. Un souper joyeux et tapageur. Le bruit des couteaux et des fourchettes sur les assiettes de faïence, le tintement des cuillers sur les bols, la sonnerie des verres, les apostrophes, les refrains, les éclats de rire, tout cela se mêlait pour faire la plus étourdissante des musiques et le plus original des tintamarres. C’était un regain de folle gaieté à la veille du jeûne et de la pénitence.

Marguerite entra.

Elle venait du village voisin, et sa voiture, traînée comme toujours par son bœuf docile, était remplie de provisions. Les mains s’étaient ouvertes, la bienfaisance n’avait pas lésiné.

Elle souhaita le bonjour aux hommes et aux femmes, et sa voix rauque se perdit dans les quatre coins de la salle. Il y eut un moment de silence.