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portée d’une façon inexacte. Il est faux que « quelques officiers songèrent à l’ancien stagiaire Dreyfus » ; il est faux qu’ils rappelèrent sa conduite prétendue suspecte au ministère ; enfin, et ceci est particulièrement grave, il est faux que les agents du service des renseignements « purent s’assurer que le capitaine entretenait, à Paris même, des relations avec une personne affiliée au service d’espionnage du grand état-major allemand » . La bonne foi de l’Éclair a été surprise et la personne qui lui a communiqué ce renseignement a menti. Nous allons rétablir les faits.


LES FAITS

Quand l’état-major eut le bordereau dont nous avons parlé, une enquête préliminaire fut ouverte ; elle consista à examiner les écritures des officiers employés dans les bureaux de l’état-major et à les comparer avec celle du document. Comme on n’arrivait à aucun résultat, on fit appel à M. le commandant du Paty de Clam, qui passait pour avoir des connaissances graphologiques. Le document lui fut soumis pendant deux jours ; le 7 octobre, sur son affirmation que l’écriture était semblable à celle du capitaine Dreyfus, l’enquête fut continuée. Le 9 octobre M. Gobert, expert de la Banque de France et de la Cour d’appel, fut commis a fin d’expertise. Quelques jours après, je suis là, mot à mot, le rapport d’accusation de M. le commandant Besson d’Ormescheville, M. le général Gonse se rendit chez M. Gobert, qui, au cours de la conversation, lui demanda le nom de la personne incriminée. Cette demande parut d’autant plus suspecte (?) que M. Gobert réclamait un délai pour mener à bien son examen ! En vertu de cette suspicion injustifiable, M. Gobert fut invité à remettre son travail et les pièces qui lui avaient été confiées. Il donna ses conclusions sous forme de lettre au ministre. Les voici : « Étant donnée la rapidité de mes examens, commandée par une extrême urgence, je crois devoir dire : la lettre missive incriminée pourrait être d’une personne autre que la personne soupçonnée. » Ces conclusions furent remises le 13 au matin, et l’après-midi même le capitaine Dreyfus recevait une lettre l’invitant à se trouver le lundi 15 octobre au ministère de la guerre pour l’inspection générale.

On l’inculpait déjà sur une expertise défavorable à l’accusation !

La veille, M. Bertillon, chef du service de l’identité judiciaire, désigné par le préfet de police sur la demande du général Mercier, ministre de la guerre, avait reçu des spécimens d’écriture et une photographie du bordereau (désigné constamment par l’accusation sous le nom de lettre missive).

Le 13 octobre les pièces remises le matin par M. Gobert furent envoyées à M. Bertillon qui, le soir, formula ses conclusions. Les voici : « Si l’on écarte l’hypothèse d’un docu-