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pièces que, par raison d’État ou de haute politique, nous lui avons cachées et sur lesquelles nous te demandons le secret. Ces pièces, nous en affirmons l’authenticité, la réalité. » Et un tribunal, là-dessus, a prononcé sa sentence Nul de ses membres ne s’est levé et n’a dit : « On nous demande la une chose contraire à toute équité, nous n’y devons pas consentir. »

Et l’on avait à tel point égaré l’opinion, on lui avait tellement présenté l’homme qu’on avait condamné comme le dernier des misérables, indigne de toute pitié, que l’opinion ne songea pas à s’émouvoir de la façon dont celui qu’on lui présentait comme le plus odieux des traîtres, avait été condamné. Ceux-mêmes dont le patriotisme s’inquiète lorsqu’on touche à un officier, oublièrent les procédés employés dans cette circonstance parce qu’on les avait convaincus de la nécessité du châtiment, par tous les moyens, au nom de la patrie offensée. S’il n’en eût pas été ainsi, des milliers de voix se seraient élevées — et elles s’élèveront peut-être demain, après que les préventions auront été dissipées — et elles auraient protesté au nom de la justice. Elles auraient dit : « Si l’on admet de semblables abus de pouvoir, des mesures aussi arbitraires, la liberté de chacun est compromise, elle est à la merci du ministère public, et on enlève à tout citoyen accusé les garanties les plus élémentaires de la défense. »


LA REVISION DU PROCÈS

Il est encore temps de se ressaisir. Qu’il ne soit pas dit que, ayant devant soi un juif, on a oublié la justice. C’est au nom de cette justice que je proteste, au nom de cette justice qu’on a méconnue.

Le capitaine Dreyfus est un innocent et on a obtenu sa condamnation par des moyens illégaux : je demande la révision du procès, et désormais ce n’est plus à huis-clos qu’il pourra être jugé, mais devant la France entière. J’en appelle donc de la sentence du Conseil de guerre comme de la sentence du conseil de révision. Des pièces nouvelles viennent d’être apportées au débat, cela suffit juridiquement pour la cassation du jugement, mais au-dessus des subtilités juridiques il y a des choses plus hautes : ce sont les droits de l’homme à sauvegarder sa liberté et à défendre son innocence si on l’accuse injustement.

Resterai-je seul à parler au nom du droit ? Je ne le crois pas. La presse a pu être trompée, égarée, mais elle saura, mieux informée, se ressaisir et, une fois encore, elle ne permettra pas qu’une monstrueuse iniquité continue à être commise.


Bruxelles. — Imp. Ve Monnom, rue de l’Industrie, 32.