Page:Lazare - Le Nationalisme juif, 1898.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.

maintenant les effets de cet antisémitisme ? C’est de rendre cette nationalité plus tangible pour les Juifs, c’est de rendre plus forte pour eux la conscience qu’ils sont un peuple.

Quelle était encore il y a une trentaine d’années la situation des Juifs du globe ? On les divisait en Juifs émancipés et en Juifs soumis aux lois d’exception. Un grand nombre de Juifs placés sous le régime de la persécution avaient pour idéal la condition des Juifs émancipés et la majeure partie des Juifs émancipés tendait à se désenjuiver, à se détacher de la masse juive encore en servage avec laquelle elle prétendait n’avoir plus d’attaches autres que celles que lui commandait l’humanité.

Nous n’en sommes plus au même point. Il y a cent ans en France, moins encore en Allemagne, en Autriche et en Angleterre, que les Juifs d’Occident ont été libérés. On a détruit les barrières matérielles, qui les séparaient de la société chrétienne, on leur a permis d’exercer leurs droits d’homme. Il y a eu un âge d’or pour les Juifs, un âge où tous les rêves ont pris leur essor ; tous les rêves, toutes les ambitions, tous les appétits. Qu’est-il arrivé ? Une petite portion, la portion possédante des Juifs s’est ruée à l’assaut des jouissances dont elle avait été sevrée pendant de si longs siècles. Elle s’est pourrie au contact du monde chrétien, qui a exercé sur elle la même action dissolvante que les civilisés exercent sur les sauvages auxquels ils apportent l’alcoolisme, la syphilis et la tuberculose. Ainsi, il est évident, que la classe dite supérieure chez les Juifs d’Occident et principalement chez les Juifs de France est dans un état de décomposition fort avancé. Elle n’est plus juive, elle n’est pas chrétienne, et elle est incapable de substituer une philosophie, encore moins une libre morale, au credo qu’elle n’a plus. Alors que la bourgeoisie chrétienne se maintient debout grâce au corset de ses dogmes, de ses traditions, de sa morale et de ses principes conventionnels, la bourgeoisie juive, privée de ses étais séculaires, empoisonne la nation juive de sa pourriture. Elle empoisonnera les autres nations tant qu’elle ne se décidera pas — ce à quoi nous ne saurions trop l’engager — à adhérer au christianisme des classes dirigeantes, et à débarrasser ainsi le Judaïsme.

Or, pendant que cette catégorie songeait à acquérir la fortune, les dignités, les honneurs, les décorations et les places, pendant que la petite bourgeoisie juive se développait intellectuellement, on travaillait à réédifier l’ancien ghetto. Selon les circonstances économiques et politiques, l’antisémitisme naissait, mais ces circonstances