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LE NATIONALISME JUIF[1]



Nous sommes réunis ici, des individus venus des pays les plus divers : de Russie et de Pologne, de Roumanie et d’Autriche, de France et d’autres contrées sans doute. Cependant nous ne formons pas une assemblée hétérogène ; il y a autour de nous une atmosphère au milieu de laquelle, quel que soit notre pays d’origine, nous nous mouvons avec une égale aisance.

Quel est donc le lien qui nous unit, et grâce auquel notre réunion est une réunion homogène ?

C’est notre qualité de Juif. De quelque ville, proche ou lointaine d’où nous venions, quelles que soient les conditions sociales auxquelles nous avons été ou nous sommes soumis, nous nous sentons frères parce que nous sommes Juifs. Il ne suffit pas cependant de constater ce fait, il faut en comprendre la signification.

En affirmant que je suis Juif au même titre que tel homme, habitant d’Odessa ou de Prague, de Bucharest, de Posen, ou de Varsovie, veux-je dire par là que j’ai la même foi, les mêmes croyances dogmatiques ou métaphysiques que cet homme dont je me sens le proche ? En un mot, est-ce un lien religieux qui nous unit ? En nous disant Juifs voulons-nous dire que nous avons une identique conception de la Divinité, et non seulement de cette divinité, mais encore du culte qui doit lui être rendu et même de la nécessité de ce culte ? Aucunement, et il y a parmi nous des israélites pratiquants, orthodoxes ou libéraux, sans doute des déistes, des panthéistes à la façon de Philon ou à celle de Spinoza, peut-être des positivistes et des matérialistes et assurément des athées. Être Juif, cela ne veut donc pas dire être de la même religion. Je sais bien qu’on affirme communément le contraire et qu’on affecte de considérer comme ne faisant pas partie d’Israël tous ceux qui ne fréquentent pas les synagogues. C’est surtout dans les pays où les Juifs se consolent du mépris qui leur est témoigné par le fait qu’on a consacré leur émancipation, c’est sur-

  1. Conférence faite à l’Association de Et. Isr. r., le 6 mars 1897.