Cubains, celle des Crétois, celle des Arméniens ? Ne reconnaissent-ils pas que tous ont le droit de lutter pour leur liberté et ne confondent-ils pas cette liberté avec la revendication de la nationalité ?
Pourra-t-on me dire en quoi les Juifs sont différents ? Est-ce parce qu’ils sont depuis plus longtemps privés de leur sol ? Parce qu’un sépulcre remplace le Temple ? Parce que leur servage dure depuis plus longtemps ? Qu’importe puisqu’ils ont persisté. L’accumulation des malheurs, des tortures, des mépris, des haines est-il un moindre titre de sympathie ? Ah ! Je sais bien, le pauvre Juif qu’on frappe et qu’on massacre, celui qu’on opprime, tous ces misérables doivent expier le crime commis par ceux — les romains — qui en crucifiant un homme créèrent un dieu, et ce peuple qui, malheureusement pour lui, a enfanté une divinité doit être traité comme un peuple de déicides.
Cependant les temps devraient être révolus où le vagabond pourrait trouver un asile, appuyer sa tête lourde et étendre ses membres las. Combien de siècles se sont écoulés depuis le jour où le vieil Ezéchiel, implorant son Dieu, lui disait : « Aie pitié d’Oholibah errante », cette Oholibah fornicatrice, qu’était Jérusalem pour sa colère de prophète. Comme en ces âges lointains, les Juifs errent encore sur les chemins du globe, combien de temps encore erreront-ils ainsi ? Tous les ans, quand vient le soir de Pâques, ceux d’entre eux qui ont conservé leur foi, psalmodient à trois reprises le souhait consacré : « Lechanah haba Ierouchalaïm ». J’imagine que, pour ceux qui gémissent encore dans quelque ghetto, comme pour les aïeux du moyen-âge, ces paroles veulent dire : « L’année prochaine nous serons dans un pays de liberté, nous serons des hommes, il nous sera permis de vivre sous le clair soleil qui est à tous, sauf à nous ».
Les Juifs d’Occident ont perdu la signification de ces paroles, mais ils la retrouveront plutôt peut-être qu’ils ne le croient, quand le pays qu’ils habitent sera devenu pour eux semblable à l’antique pays de Mizraim. Que dès maintenant, ils sachent qu’ils ne doivent pas attendre un secours du ciel, ou l’aide de puissants alliés. Les Juifs ne trouveront de salut qu’en eux-mêmes. C’est par leur propre force qu’ils se libèreront, qu’ils reconquerront cette dignité qu’on leur aura fait perdre. Et quelle solution verront-ils alors devant eux ? La partie méprisable et vile, sans convictions et sans autre mobile que son intérêt personnel se convertira ; elle n’aura pas pour cela à vaincre ses scrupules. Que feront les croyants et