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DE LA FONDATION DE L'ÉGLISE A CONSTANTIN

de Tryphon qui accusait les chrétiens de délaisser la loi mosaïque, il affirme que cette loi a été seulement une loi préparatoire. Justin attaquait d’ailleurs les tendances judaïsantes sous leurs deux formes ; d’un côté le judéo-christianisme, de l’autre l’alexandrinisme qui ne voulait admettre le Verbe que comme une irradiation temporaire de l’être unique. À ses observations, Justin mêlait des avertissements : « Ne blasphémez pas le fils de Dieu, disait-il ; n’écoutez pas docilement les Pharisiens, ne vous moquez pas ironiquement du roi d’Israël, comme vous le faites chaque jour »[1]", et il répondait aux ironies des Juifs par des sarcasmes contre les rabbins : « Au lieu de vous exposer le sens des prophéties, vos maîtres s’abaissent à des niaiseries ; ils s’inquiètent de savoir pourquoi il est question de chameaux mâles à tel et tel endroit, pourquoi telle quantité de farine pour vos oblations. Ils s’inquiètent religieusement de savoir pourquoi l’on ajoute un alpha au nom primitif d’Abraham, un rau à celui de Sara. Voilà l’objet de leurs études. Quant aux autres choses essentielles et dignes de méditations, ils n’osent vous en parler, ils n’essayent pas de les expliquer ; ils vous défendent de nous entendre quand nous les interprétons[2]. »

Ce dernier grief est important, il indique quel caractère avait la lutte pour la conquête des âmes, conquête qu’aurait voulu et que faillit faire le ju-

  1. Dialogue avec Tryphon. Migne, Patrologie
  2. Dialogue avec Tryphon.