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L'ANTISÉMITISME

comme apostats, comme traîtres à leur Dieu et à la loi. Ce sont eux qui sont déclarés inférieurs aux Samaritains et aux gentils ; c’est avec eux que sont interdits tous rapports. Plus tard seulement, beaucoup plus tard, ces interdictions s’appliquèrent à la généralité des chrétiens lorsque les chrétiens devinrent les persécuteurs, de même que quelques-uns exaltés par les souffrances et les humiliations, leur appliquèrent ce qui dans le Talmud était dit des Goïm, c’est-à-dire de ces Hellènes de Césarée et de Palestine, en lutte perpétuelle contre les Juifs.

A l’origine, toutes les défenses talmudiques visent les judéo-chrétiens. Les Tanaïm voulaient préserver leurs fidèles de la contagion chrétienne ; c’est pour cela que l’on assimila les Évangiles aux livres de magie, et que Samuel le Jeune, sur l’ordre du patriarche Gamaliel, inséra dans les prières journalières une malédiction contre les judéo-chrétiens, Birkat Haminim, qui fit dire et fait dire encore à quelques-uns que les Juifs maudissent Jésus trois fois par jour.

Mais pendant que les Juifs cherchaient à se séparer des judéo-chrétiens, le grand mouvement qui emportait l’Église la forçait, de son côté, à repousser loin d’elle le Judaïsme. Pour conquérir le monde, pour devenir la foi universelle, il fallait que le christianisme délaissât le particularisme juif, repoussât les chaînes trop étroites de l’ancienne loi pour pouvoir mieux répandre la nouvelle. Ce fut l’œuvre de saint Paul, le vrai fondateur de l’Église, celui qui