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naires ; M. Drumont en France, M. Pattaï en Hongrie, MM. Stoecker et de Boeckel en Allemagne œuvrent pour ces démagogues et ces révoltés qu’ils prétendent combattre. Ce mouvement, réactionnaire à l’origine, se transforme au profit de la révolution. L’antisémitisme excite la classe moyenne, le petit bourgeois, et le paysan quelquefois, contre les capitalistes juifs, mais ainsi il les mène doucement au socialisme, il les prépare à l’anarchie, les conduit à la haine de tous les capitalistes et surtout du capital.

Ainsi, inconsciemment, l’antisémitisme prépare sa propre ruine, il porte en lui son germe de destruction, et cela inévitablement, puisque, en ouvrant la voie au socialisme et au communisme, il travaille à éliminer non seulement les causes économiques, mais encore les causes religieuses et nationales qui l’ont engendré et qui disparaîtront avec la société actuelle dont elles sont les produits.

Telles sont les destinées probables de l’antisémitisme contemporain. J’ai tenté de montrer comment il se rattachait à l’ancien antijudaïsme, comment il avait persisté après l’émancipation des Juifs, comment il avait grandi et quelles avaient été ses manifestations. J’ai essayé d’en déterminer les raisons, et après les avoir établies, j’ai voulu prévoir son avenir. De toutes façons il me parait destiné à périr, et il périra pour toutes les raisons que j’ai indiquées : parce que le Juif se transforme, parce que les conditions religieuses, politiques, sociales et économiques changent, mais il périra surtout parce qu’il est