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jour, car de jour en jour les Juifs abandonneront leurs antiques préjugés, leurs rites séparatistes, leurs prescriptions prophylactiques et alimentaires. Ils ne se croiront plus destinés à persister en tant que peuple, ils n’imagineront plus, imagination touchante peut-être, mais absurde, qu’ils ont un rôle éternel à remplir. Un temps viendra où ils seront complètement éliminés, où ils seront dissous au sein des peuples, comme les Phéniciens qui, après avoir semé leurs comptoirs à travers l’Europe, disparurent sans laisser de trace. En ce temps-là aussi l’antisémitisme aura vécu, mais le moment n’est pas proche. Encore, le nombre des Juifs judaïsants est considérable, et, tant qu’ils subsisteront, il semble que l’antisémitisme devra persister. Cependant l’antisémitisme n’est pas uniquement provoqué par Israël ; il est le produit de causes religieuses, nationales et économiques, causes indépendantes des Juifs ; ces causes sont susceptibles elles aussi de se modifier et même de disparaître, nous pouvons de nos jours constater leur affaiblissement.

Si le judaïsme s’affaiblit, ni le catholicisme ni le protestantisme ne se fortifient, et l’on peut dire que toute forme positive de la religion perd de sa puissance. On croit pouvoir affirmer le contraire pour la religion chrétienne, mais on est d’abord en cela victime d’une illusion, on est ensuite guidé par des intérêts particuliers. Comme a dit Guyau[1] : « La re-

  1. M. Guyau : L’irréligion de l’avenir, Paris, 1893, p. XIX.