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Lassalle[1], sans compter le troupeau obscur des propagandistes ; ils les soutinrent par leurs capitaux. Enfin, nous venons de le dire, s’ils n’ont pas, sur les ruines de l’ancien régime, dressé à eux seuls le trône de la bourgeoisie capitaliste triomphante, ils ont aidé à son établissement. Ainsi sont-ils aux deux pôles des sociétés contemporaines. D’un côté ils collaborent activement à cette centralisation extrême des capitaux qui facilitera sans doute leur socialisation, de l’autre ils sont parmi les plus ardents adversaires du capital. Au Juif draineur d’or, produit de l’exil, du Talmudisme, des législations et des persécutions, s’oppose le Juif révolutionnaire, fils de la tradition biblique et prophétique, cette tradition qui anima les anabaptistes libertaires allemands du XVIe siècle et les puritains de Cromwell. Au milieu de toutes les transformations qui ont marqué ce siècle, ils ne sont donc pas restés inactifs, au contraire, et c’est leur activité qui a, non pas provoqué, mais perpétué l’antisémitisme, car l’antisémitisme moderne est l’héritier de l’antijudaïsme du Moyen Âge. Jadis aussi, en Espagne, en combattant les Morisques et les Marranes on tenta de réduire les éléments étrangers de la nation espagnole ; jadis les Juifs furent considérés comme une tribu étrangère, une horde de déicides, voulant par le prosélytisme insuffler son esprit aux chrétiens, et, de plus, cher-

  1. Il n’est pas question de discuter ici la valeur personnelle de tous ces hommes si différents, mais simplement de rappeler leur action.